TEXTES OFFICIEL
LOI n° 48-1404 du 9 septembre 1948
définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques
J.O. du 10 septembre 1948 - Page 8946
L'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L'Assemblée nationale a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. — La République française, reconnaissante envers ceux qui ont contribué à assurer le salut du pays,
s'incline devant eux et devant leurs familles, détermine le statut des déportés et internés politiques, proclame leurs droits et ceux de leurs ayants cause.
Art. 2. — Le titre de déporté politique est attribué aux Français ou ressortissants des territoires d'outre-mer,
qui, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ne tombant pas sous le bénéfice de l'ordonnance du 6 juillet 1943, ont été :
1° Soit transférés par l'ennemi hors du territoire national puis incarcérés ou internés dans une prison ou un camp de concentration ;
2° Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans les camps ou prisons du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
3° Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi,
notamment l'Indochine, sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement répondent aux conditions qui seront fixées par le règlement
d'administration publique prévu à l'article 15 ci-après.
Sont exclues du bénéfice des présentes dispositions les personnes visées aux paragraphes 2 et 3 ci-dessus,
qui n'ont pas été incarcérées pendant au moins trois mois, à moins qu'elles se soient évadées ou
qu'elles aient contracté pendant leur internement une maladie ou une infirmité provenant notamment de tortures,
susceptible d'ouvrir droit à pension à la charge de l'Etat.
Art. 3. — Le titre d'interné politique est attribué à :
1° Tout Français ou ressortissant français résidant en France ou dans un des territoires d'outre-mer, qui a été interné,
à partir du 16 juin 1940, par l'ennemi ou l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun
ne tombant pas sous le bénéfice de l'ordonnance du 6 juillet 1943, relative à la légitimité des actes accomplis pour la cause
de la libération de la France et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits ;
2° Tout Français ou ressortissant français qui a subi, avant le 16 juin 1940, en France ou dans les territoires de la France d'outre-mer,
pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, une mesure administrative ou judiciaire privative de liberté et
qui a été maintenu interné au-delà de la durée de sa peine par l'ennemi ou par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français,
en raison de danger qu'aurait présenté pour l'ennemi la libération de ladite personne, du fait de son activité antérieure.
La qualité d'interné politique ne sera accordée que sur justification d'un internement d'une durée d'au moins trois mois postérieurement au 16 juin 1940
ou à l'expiration de la peine prononcée avant cette date ; aucune condition de durée ne sera exigée de ceux qui se sont évadés ou qui ont contracté,
, pendant leur internement, une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures, susceptible d'ouvrir droit à pension à la charge de l'Etat.
Art. 4. — Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun,
ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ.
Art. 5. — Un pécule est attribué aux déportés et internés politiques ou à leurs ayants cause.
Le montant de ce pécule et les conditions de son attribution seront fixés par une loi.
Lorsque les déportés politiques sont morts en déportation, la prime de déportation sera payée aux ascendants,
à défaut d'autres ayants cause, sans condition d'âge.
Art. 6. — Les Français et ressortissants des territoires d'outre-mer ayant la qualité de déporté ou d'interné politique
et leurs ayants cause bénéficient du régime des victimes civiles de la guerre, dans les conditions prévues par la législation en vigueur.
Les déportés politiques bénéficient, en outre, de la présomption d'origine pour les maladies, sans condition de délai.
Art. 7. — II est institué une médaille avec ruban, dite « médaille de la déportation et de l'internement », qui sera attribuée à tout Français
ou ressortissant français justifiant de la qualité de déporté ou d'interné politique, dans les conditions définies par les articles 2, 3 et 4.
Cette médaille sera ornée de barrettes en métal portant indication de la catégorie de l'attributaire : déporté ou interné.
Art. 8. — L'autorisation du port de cette médaille avec notification de la ou des ministères des anciens combattants et victimes de la guerre.
Art. 9. — La restitution à leurs familles des corps des déportés et internés politiques identifiés sera effectuée dans le plus court délai
et dans les conditions fixées par la loi du 16 octobre 1946.
Le conjoint survivant ou, à défaut, un ascendant ou descendant du disparu pourra aller se recueillir une fois, aux frais de l'Etat, sur le lieu présumé du crime.
Les modalités de remboursement de ces frais seront fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 15 ci-après.
Art. 10. — Les pertes de biens de toute nature résultant directement de l'arrestation et de la déportation, dont la preuve sera dûment établie,
seront intégralement indemnisées. Cette indemnisation ne pourra se cumuler avec les sommes perçues ou à percevoir, pour le même objet,
au titre de la législation sur les dommages de guerre.
Les modalités en seront fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 15 ci-après.
Art. 11. — Les déportés et internés politiques bénéficiant de la présente loi pourront opter pour le statut des déportés et internés de la Résistance
s'ils remplissent les conditions prévues par ce statut et les textes pris pour son application.
Art. 12. — Les dispositions des articles 1er, 2, 3, 4, 7, 8 de la présente loi seront applicables, sur leur demande, aux déportés et internés politiques de 1914-1918.
Art. 13. — Ne peuvent bénéficier des avantages du présent statut toutes personnes non amnistiées condamnées en application de l'ordonnance du 18 novembre 1944
instituant une Haute Cour de justice et de l'ordonnance du 28 novembre 1944 relative à la répression des faits de collaboration
et des textes subséquents, de l'ordonnance du 26 décembre 1944 portant modification et codification des textes relatifs à l'indignité nationale
ou du code de justice militaire.
Sont exclus également du bénéfice du présent statut ceux qui, au cours de leur déportation ou de leur internement, ont eu une attitude contraire
à l'esprit de solidarité devant l'ennemi.
Art. 14. — Bénéficient des dispositions des articles 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 11 de la présente loi les étrangers résidant en France avant le 1er septembre 1939,
et internés ou déportés dans les conditions prévues par ces articles.
Art. 15. — Un décret portant règlement d'administration publique, pris sur le rapport du ministre des finances, du ministre des anciens combattants
et victimes de la guerre et du ministre de la France d'outre-mer, fixera les modalités d'application de la présente loi.
Art. 16. — La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 9 septembre 1948.
Vincent Auriol.
Par le Président de la République :
Par le président du conseil des ministres, Schuman.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, Robert Lecourt.
Le ministre de l'intérieur, Jules Moch.
Le ministre des finances et des affaires économiques, Christian Pineau.
Le ministre de la France d'outre-mer, Paul Coste-Floret.
Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, Jules Catoire.
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